« Eye Movement Desensitization and ­Reprocessing » (EMDR), en français, désensibilisation et retraitement de l’information par mouvements oculaires : l’appellation et la méthode sont inhabituelles.

Cette approche consiste à soigner un stress aigu et des souvenirs traumatisants, en faisant bouger les yeux du patient. Les prémices de cette technique remontent à 1987 ; une Américaine, Francine Shapiro découvre que des mouvements rapides de ses yeux lui permettent de réduire l’intensité de son anxiété et de ses pensées négatives. Elle se lance dans des expérimentations et développe un protocole qui deviendra la technique EMDR, aujourd’hui pratiquée dans plusieurs pays.

 

Des ­études scientifiques menées par des équipes indépendantes, confirment par la suite l’intérêt de cette ­approche dans le traitement du stress aigu, notamment post-traumatique. À tel point que depuis 2007, la Haute Autorité de santé en France la recommande dans cette indication aux côtés de la thérapie cognitivo-comportementale, et la technique est reconnue par l’OMS en 2013 dans la même indication.

Soigner des personnes traumatisées

La simplicité de cette technique paraît désarmante alors qu’il s’agit de soigner des personnes traumatisées : militaires revenant du front, victimes d’attentat ou de cataclysmes naturels. Les personnes croient revivre la scène dès qu’elles sont exposées à une ­situation, un bruit ou un environnement évocateur. Leur vie se passe à éviter tout risque d’exposition à ces souvenirs, en plus de problèmes de sommeil, parfois de comportement, et de risques d’addiction.

 

Bouger ses yeux paraît bien dérisoire, et pourtant : « Il ne s’agit évidemment pas d’une solution miracle, mais les résultats sont parfois étonnants », commente le Pr Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie au CHU de Créteil.

Une sorte «d’autoguérison du cerveau»

Alors comment ça marche ? « Les mouvements des yeux jouent un rôle capital dans le traitement des souvenirs. Pendant le sommeil paradoxal, phase pendant laquelle le cerveau intègre et traite tous les événements récents, les yeux bougent sans cesse, explique le Dr Corinne Teulières, vice-présidente d’EMDR France. Pendant cette phase, de nombreuses connexions cérébrales permettent d’intégrer les souvenirs en canalisant les émotions générées, de sorte que l’on se réveille un peu différent de ce que l’on était en s’endormant. Avec l’EMDR, on sollicite ce mécanisme, mais de façon éveillée et avec l’aide d’un thérapeute. Le patient est invité à revivre son souvenir de ­façon que le cerveau l’intègre de manière adaptée à l’aide des mouvements oculaires, jusqu’à ce que les émotions négatives associées disparaissent. C’est une forme d’autoguérison du cerveau. »